PMA, les mises en garde des psychiatres
La commission spéciale de l’Assemblée nationale sur la bioéthique
recevait des psychiatres, ce jeudi 5 septembre, pour sa dernière audition de la semaine. Les trois spécialistes ont mis en garde les députés sur certains « risques » que présente l’ouverture
de la PMA.
Un vent froid a soufflé, jeudi 5 septembre, lors des travaux de la commission spéciale de l’Assemblée nationale sur la bioéthique. Pour conclure la deuxième semaine d’audition, trois spécialistes de la psychiatrie ont été invités à apporter un éclairage sur les deux sujets qui dominent le projet
de loi : l’ouverture de la PMA et l’accès aux origines. Et c’est, à minima, à une forte mise
en garde que peut se résumer le ton des interventions.
Renforcer l’accompagnement des parents qui font appel à la PMA
Myriam Szejer,
pédopsychiatre et psychanalyste, etCatherine Jousselme, professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, ont interpellé les députés sur la nécessité de renforcer l’accompagnement des parents
qui font
Myriam Szejer propose la mise en place d’un « entretien pré-conceptionnel » pour tous les couples qui demandent un don. Or tous les centres de PMA ne sont pas
pourvus de spécialistes insistent les professionnelles. Elle émet aussi des réserves sur l’ouverture de la PMA aux femmes seules. « J’en ai rencontré un grand nombre, j’ai repéré une
importante fragilité chez ces femmes », observe-t-elle.
Catherine Jousselme demande elle aussi des « entretiens en amont extrêmement rigoureux. Le législateur doit
prendre ses responsabilités si on fait cela ».
« Un bébé, ce n’est juste ce que l’on veut »
Elle s’inquiète en outre de la possibilité d’autoconservation des ovocytes sans limite d’âge. Imaginer une naissance « à distance, en fonction d’un projet parental, voire de l’entreprise
dans laquelle on travaille, nous paraît dangereux pour l’enfant. Un bébé ce n’est pas juste ce qu’on veut. Programmer les choses à ce point est inquiétant. »
Beaucoup plus critique, le psychiatre et psychanalyste Pierre Lévy-Soussan a dénoncé les effets du recours à la PMA. « Cela complexifie les identifications : des parents n’arrivent pas à
se transformer en parent et les enfants, en enfants ». L’ouverture de la PMA aux couples de femmes va selon lui aboutir à une « discrimination » de l’enfant privé de père. « On
le met dans une scène d’engendrement impossible à penser pour lui. »
Ouvrir la PMA aux femmes seules, c’est aussi exposer l’enfant à des difficultés.
« Accroître les risques dans une société qui veut prévenir tous les risques, ce n’est pas logique », affirme le psychiatre en évoquant la défense des enjeux environnementaux et en
invitant à prendre en compte « l’écologie de l’enfant ».
Aucune étude d’impact
Pierre
Lévy-Sousan souligne que la littérature scientifique sur les foyers homoparentaux a été pendant des années biaisée : « 80 % des études sont militantes », affirme-t-il. Il
déplore également qu’aucune « étude d’impact n’ait été faite sur l’incidence de la PMA sur le plan pédopsychiatrie ».
Des
propos pessimistes contre lesquels ont tenu à se démarquer ses deux collègues, même si Myriam Szejer reconnaît l’absence de recul sur tous ces sujets. « J’ai moi-même vu des enfants nés
des toutes premières GPA, qui ont aujourd’hui 30 ou 40 ans. Et bien ce n’est pas terrible. » La GPA ne figure pas dans le projet de loi ? Une omission « hypocrite », estime la spécialiste
selon qui ce prochain débat « sera la conséquence immédiate » de la loi sur la PMA.
L’effacement du père
Interrogée sur l’idée d’un effacement du père, Myriam Szejer reconnaît qu’on est dans « une société en pleine mutation » et Catherine Jousselme « une
révolution de société », mais l’une comme l’autre se refusent à dramatiser. « Les enfants peuvent grandir dans la vérité de leur histoire » rassure la première.
« Dans les couples homosexuels, quand une femme a une grossesse, l’autre prend la place de tiers séparateur. Freud ne pouvait pas l’imaginer en 1890, mais ces enfants ont accès à un Œdipe. Et dans les couples
d’hommes, il se passe la même chose », observe Catherine Jousselme
Pierre Lévy-Soussan voit quant à lui dans l’effacement « à la fois symbolique
et réel » du père un « problème essentiel ». Avec cette nouvelle loi, la société va dire qu’elle « n’a pas besoin d’un père pour
un enfant. Sur le terrain de la protection de l’enfance, cela aura des conséquences » met-il en garde.
Source Bernard Gorce pour La Croix du 5 septembre 2019